Ce texte est une réponse à la tribune de Gilles-William Goldnadel, avocat, écrivain et président de l'association France-Israël, publiée le jeudi 9 juin dans Le FigaroVox.
Monsieur,
Je me suis, depuis longtemps, juré de ne pas polémiquer sur le sujet. Mais comme l'avait si bien dit l'un de vos présidents: "les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent". Je me permets donc de sortir de mon silence et je vous en remercie. En effet, c'est en lisant votre
tribune du 9 juin, publiée sur le FigaroVox et maladroitement intitulée (à moins que ce ne soit les résultats de quelques aspirations à la propagande): "c'est le même terrorisme islamiste qui frappe à Tel-Aviv, Bruxelles ou Paris" qui m'a littéralement fait sortir de mes gonds.
J'étais quelque peu habitué à vos interventions et vos phrases sur les plateaux de télévision ou dans les colonnes des journaux; autant dire que je n'ai jamais été en accord avec vous. Mais que serions-nous sans pluralisme et sans liberté de parole? Or, cette liberté et ce pluralisme ne sous-entendent pas le mensonge éhonté, ils ne justifient pas l'à-peu-prisme décomplexé et ne pardonnent pas la complaisance nauséabonde... N'est-ce pas? Mais avant de m'expliquer, permettez-moi de me présenter: je suis marocain et je fais mes études à Paris.
Mon pays, le Maroc (où je suis né et ai grandi), arabe et musulman est un des rares, si ce n'est le seul, à être - non pas un "ami" - mais le moins hostile à Israël. En effet, Hassan II a, en 1986, reçu amicalement Shimon Peres et le Maroc est, aujourd'hui, le pays arabe avec la plus importante communauté juive. Celle-ci est loin d'avoir l'avantage du nombre, avouons-le, mais je peux dire, sans me tromper, et mes vingt-deux années de vie et de résidence au Maroc m'en seront témoins, qu'être juif est loin d'être un "problème" au Maroc. Le judaïsme fait partie de notre culture, de notre identité et renvoie à une partie de notre Histoire. Tout cela pour dire que je ne suis pas et ne me suis jamais pensé antisémite, antisioniste ou autre.
Maintenant que le cadre est posé et que j'ai pris mes précautions contre toute tentative d'accusation injurieuse qui ne serait que le fait d'une certaine malhonnêteté intellectuelle, nous pouvons attaquer le vif du sujet. M. Goldnadel, les attaques qui ont eu lieu le soir du 8 juin à Tel-Aviv sont, évidemment condamnables. Je n'ose imaginer la violence dans laquelle elles ont été exécutées; je n'ose me mettre à la place des familles détruites qui, hier encore étaient unies...
Mais vous savez, Monsieur, personne ne mérite de mourir ainsi. Personne. Le fait est (et je le déplore) que ces victimes sont ce que le cynisme politique aime appeler, et cela dépend de quel côté l'on se trouve, des "dommages collatéraux". Je refuse cette dénomination. Je la refuse puisque - et ceci n'engage que moi -, un "dommage collatéral" n'a pas à être humain; un "dommage collatéral" n'a pas à avoir un affect, une conscience, une famille, des amis; un "dommage collatéral" n'a pas à avoir de passé qui, d'une seconde à l'autre serait détruit ni de futur qui, sans aucune considération, d'un seul coup, ne compterait plus.
Ces quatre victimes israéliennes, comme le sont les victimes françaises, belges, turques, irakiennes, tunisiennes, afghanes - et j'en passe - sont les morts sur des champs de batailles qui ne sont pas les leurs. Ils sont les martyres, ils sont la chair à canon de gouvernements qui, sans considération aucune, mènent des guerres égoïstes. Je m'explique. Force est de constater, et les soixante dernières années nous le prouvent, que la guerre qui est menée dans cette partie du Moyen-Orient n'est pas celle qui oppose le peuple israélien au peuple palestinien; elle est celle qui opposa, tour à tour, Israël à la Palestine, puis Israël au Fatah, Israël au Hamas, Israël à "l'autorité" palestinienne puis Israël à la population palestinienne. Il ne s'agit pas de "récitatifs palestinistes", Monsieur, la situation est bien plus grave, elle est catastrophique.
Aujourd'hui, le gouvernement israélien prend l'ensemble de sa population en otage et la place sous le joug d'une idéologie qui, malheureusement, est loin de faire l'unanimité. Aujourd'hui, le gouvernement israélien, la politique ségrégationniste d'extrême droite de Benyamin Netanyahu est, à mon sens, directement et exclusivement coupable, en plus des morts palestiniens dont le nombre ne cesse d'augmenter de jour en jour, des morts israéliens qui deviennent des "dommages collatéraux". En effet, les mesures sécuritaires que n'a cessé de prendre M. Netanyahu depuis quelques années ne font qu'alimenter le sentiment de ras-le-bol et de révolte des Palestiniens. Puisque, ne vous en déplaise, la Palestine est un territoire occupé.
Soixante ans de mensonges, de déni des règles internationales, de droit bafoué, de vol de terres et d'apartheid justifient et valident amplement mes propos. Combien de vidéos d'humiliation circulent sur les réseaux sociaux? Je vous le demande. La nausée vous prendrait en regardant ces Palestiniens (parfois des enfants, ou des vieillards) se faire piétiner, agresser, humilier et tuer par des soldats de Tsahal ("l'armée la plus morale du monde"). Vous rendez-vous compte, ou peut- être vivez-vous dans le déni le plus total, que M. Netanyahu a prit l'habitude, pour souhaiter un bon ramadan aux Palestiniens, de bombarder, depuis quelques années la bande de Gaza et/ou la Cisjordanie? Comment ne pas justifier la naissance, de plus en plus effective de mouvements d'insurgés. Mouvements d'insurgés qui ne sont que le résultat direct de l'humiliation, du viol, du meurtre et de la haine.
Monsieur, ces "terroristes" que vous nommez à peine mais dont les onze lettres se dessinent explicitement à l'encre rouge tout au long de votre tribune ne sont pas le résultat de l'antisémitisme, ils sont le résultat de l'oppression; il sont, en somme, les enfants du gouvernement Israélien. Deuxième point. Et je serai bref, ici; ce que vous appelez "islamo-gauchisme" et que vous vous targuez de montrer du doigt et de dénoncer si fièrement n'est pas un universalisme. "L'islamo-gauchisme" est l'élément d'un débat stérile relatif est exclusif à l'extrême droite française. Rien qui s'apparentait à cela n'a jamais existé jusqu'à ce que les bouches d'un fascisme hexagonal moderne ne l'évoquent; en somme, J. Austin avait raison: "dire, c'est faire".
Enfin, j'espère que vous êtes conscient du caractère ségrégationniste de vos propos. Vous dites ne plus vouloir de morts. Noble souhait. Mais ne savez-vous pas que qu'en séparant et en divisant ainsi, vous ne faites que créer encore plus de haine? Ne savez-vous pas que la haine est autosuffisante, qu'elle s'alimente elle-même et qu'une fois lâchée, elle n'a besoin de rien ni de personne pour continuer à sévir? M. Goldnadel, vous avez - et nous avons tous! - un devoir de mémoire! Je ne vous demande pas de remonter aux conflits antiques pour comprendre notre présent. Je ne vous demande pas de déchiffrer ni de décoder. Je vous demande simplement de vous retourner, de regarder derrière vous, de contempler un conflit qui est à peine plus âgé que vous et que, malheureusement, vous semblez vouloir effacer avant l'heure. Bien à vous.
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